- crainte
- craint, crainte(krin, krin-t') part. passé de craindre.Elle fut plus crainte qu'aimée.• Rome poursuit en vous un ennemi fatal Plus conjuré contre elle et plus craint qu'Annibal, RAC. Mithr. III, 1.• Craint de tout l'univers, il vous faudra tout craindre, RAC. Brit. IV, 3.• Les Espagnols sont craints, mais ils sont en horreur, VOLT. Alz. I, 1.• Qui sont-ils ? Des savants renommés par leurs grâces, Des poëtes loués dans toutes les préfaces, Des hommages du Nord dans Paris assiégés, Craints peut-être à la cour et pourtant protégés, GILBERT Mon apolog..————————(krin-t') s. f.1° Sentiment par lequel on craint.• Ôter de crainte, VOIT. Lett. 9.• C'est par là que l'on tient ses voisins en contrainte, Ses peuples en repos, ses ennemis en crainte, CORN. Nicom. III, 2.• S'ils vous tiennent ici, tout est pour eux sans crainte, CORN. ib. I, 1.• Comme si notre Rome eût fait toutes vos craintes, CORN. Hor. I, 1.• J'ai crainte ici dessous de quelque manigance, MOL. l'Étour. I, 4.• L'homme qui est toujours en crainte, PASC. dans COUSIN.• Les barbares furent tenus en crainte par ses armes, BOSSUET Hist. I, 10.• Cet animal est triste, et la crainte le ronge, LA FONT. Fabl. II, 14.• Cette crainte maudite M'empêche de dormir sinon les yeux ouverts, LA FONT. ib..• ....Fi du plaisir Que la crainte peut corrompre, LA FONT. ib. I, 9.• La crainte est aux enfants la première leçon, LA FONT. Oies..• La crainte est nécessaire quand l'amour manque ; mais il la faut toujours employer à regret, comme les remèdes les plus violents et les plus dangereux, FÉN. Tél. XXIV.• Une âme menée par la crainte en est toujours plus faible, FÉN. Éduc. des filles, ch. 5.• Qu'ils pleurent, ô mon Dieu, qu'ils frémissent de crainte, Ces malheureux qui de ta cité sainte Ne verront point l'éternelle splendeur, RAC. Athal. II, 9.• Que de craintes, mes soeurs, que de troubles mortels !, RAC. ib. III, 8.• Le respect et la crainte Ferment autour de moi le passage à la plainte, RAC. Bérén. II, 2.• Je crains Dieu, cher Abner, et n'ai point d'autre crainte, RAC. Athal. I, 1.• Jamais crainte ne fut plus juste que la vôtre, RAC. Phèd. III, 3.• Le tyran [Pluton] qui tient en crainte les vivants et les morts, FÉN. Tél. XVIII.• Comme il était sans crainte, il était sans défenses, VOLT. Oedipe, IV, 1.2° Sentiment de crainte respectueuse. La crainte de Dieu. Crainte filiale.• Celui-ci avait la crainte des dieux, FÉN. Tél. XIII.• La bonne crainte vient de la foi : la fausse crainte vient du doute, PASC. Pensées, part. II, art. 17.• [ô Dieu] rendez-le heureux, en lui conservant votre crainte, qui seule fait le bonheur des peuples et des rois, MASS. Petit car. Malheur des grands..Terme de droit. Crainte révérencielle, synonyme de crainte filiale ou respectueuse. Crainte servile, celle qui naît de la seule appréhension du châtiment. Crainte grave, celle qui est capable d'ébranler même une âme forte, comme la crainte de la mort. Une crainte grave suffit pour annuler un contrat. On dit par opposition : crainte légère3° Sentiment d'un respect mal placé.• Cette disposition renferme premièrement un mépris de Dieu qui la rend très criminelle, secondement une crainte du monde qui la rend très insensée, MASS. Carême, Resp. hum..• Rappelé d'un côté par la voix de Dieu, de l'autre retenu par la crainte des hommes, MASS. ib..4° Dans la crainte de, avec l'infinitif, ou dans la crainte que, avec le subjonctif et la particule ne. Dans la crainte de tomber. Dans la crainte que l'orage ne survienne.C'est une licence de ne pas mettre ne.• Le maréchal de Boufflers attaqua deux heures avant l'arrivée de son infanterie, dans la crainte que les ennemis se retirassent, SAINT-SIMON 119, 51.5° De crainte de, avec l'infinitif.• Quoique ce soit un bien que l'un et l'autre attende, De crainte de le perdre, aucun ne le demande, CORN. Rodog. II, 2.De crainte que, avec le subjonctif et la particule ne, en craignant que. De crainte que l'on ne vous trompe. De crainte que l'heure ne fût passée.C'est une licence de ne pas mettre ne.• Anaxagoras abandonna tout ce qu'il avait, de crainte que le soin de ses propres intérêts le détournât de l'étude, FÉN. Anaxagoras..Elliptiquement, crainte de.• Il n'a, crainte du chaud, que l'air pour couverture, RÉGNIER Sat. XIV.• Crainte pourtant de sinistre aventure, Allons chez nous achever l'entretien, MOL. Amph. I, 2.• Le peuple est désespéré entre la nécessité de payer, de peur des exactions, et le danger de payer, crainte des surcharges, MONTESQ. Esp. XIII, 18.Crainte de, pris ainsi adverbialement, se dit des choses et jamais des personnes : Il a fait cela crainte de pis ; on ne dirait pas : Il a fait cela crainte de vous. Cette locution s'emploie avec un substantif pour complément, plutôt qu'avec un infinitif ; cependant on trouve cet exemple-ci de l'infinitif dans J. J. Rousseau, exemple qui pourrait être imité : On n'osait interroger personne, crainte d'apprendre plus qu'on ne voulait savoir, Hél. VI, 11. Elle ne s'emploie pas avec que : De crainte qu'on ne nous dérange, et non : Crainte qu'on ne nous dérange.APPRÉHENSION, CRAINTE, PEUR. L'appréhension est une vue de l'esprit qui aperçoit un péril comme possible. La crainte est une émotion du coeur à la vue du péril. La peur est, en face du péril, la perte du courage et de la puissance de résister.XIIe s.• Cumencement de sapience, la crieme de nostre Segnor, Liber psalm. p. 172.• Jo tis serfs, dès m'enfance, ai crieme oüd de nostre Seignur, Rois, 314.XIIIe s.• Grant craime et grant paor en a, Mès sachiez qu'il se deffendra, S'il li vient nus hom qui l'assaille, Ren. 18511.XVe s.• Lequel s'en alla sans dire adieu à son maistre, pour la crainte de sa personne, autrement il eust esté tué ou prins, COMM. I, 2.XVIe s.• Boire à la françoise, et moderéement en crainte de sa santé, MONT. II, 15.• Sa gravité estoit melée d'une maniere de crainte, qu'il sembloit qu'il redoubtast la presence du peuple, AMYOT Nicias, 3.Craint ; wallon, crimeûre. L'ancien français crieme, craime vient directement de l'ancien verbe cremir.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRECRAINTE. Ajoutez :5° On trouve un exemple de crainte que, dans Mme de Sévigné.• Toutes les bonnes têtes la voudraient, cette suspension, crainte que vous ne soyez trompés, SÉV. 4 nov. 1673.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.