- chanter
- chanter 1.(chan-té) v. n.1° Faire entendre un chant. Chanter juste. Chanter au lutrin. Maître à chanter.• Une femme chantait : C'était bien de chansons qu'alors il s'agissait ! Dame mouche s'en va chanter à leurs oreilles, LA FONT. Fabl. VII, 9.• Un savetier chantait du matin jusqu'au soir ; C'était merveille de le voir ; Merveille de l'ouïr ; il faisait des passages...., LA FONT. ib..• J'ai raconté comment la mère indienne porte ses enfants, comment elle leur chante, comment elle les pare, CHATEAUB. Amér. 51.• On le berce, on lui chante pour l'endormir, J. J. ROUSS. Ém. I.• Il ne danse, ni ne chante, ni ne joue ; il est pour la conversation, VOLT. Lettr. d'Argental, 13 déc. 1762.• Chanter, ou je m'abuse, Est ma tâche ici-bas ; Tous ceux qu'ainsi j'amuse, Ne m'aimeront-ils pas ? Quand un cercle m'enchante, Quand le vin divertit, Le bon Dieu me dit : chante, Chante, pauvre petit, BÉRANG. Vocation..Chanter à livre ouvert, à première vue, chanter sans avoir besoin d'étudier les notes.• Ouais ! je ne croyais pas que ma fille fût si habile que de chanter ainsi à livre ouvert sans hésiter, MOL. Mal. imag. II, 6.Familièrement. C'est comme si vous chantiez, vous perdez votre temps, je ne vous écoute pas.• Il [l'amant] pleure, il se désespère, Mais c'est comme s'il chantait, DÉSAUGIERS Parodie de la Vestale..Pain à chanter, le pain sans levain dont on fait l'hostie. Mince comme pain à chanter. Le pain à chanter, c'est, en suppléant l'ellipse, le pain à chanter la messe. Voyez, dans l'historique, vin et eau à chanter ; ce qui exclut absolument le chanteau de pain, dont on avait parlé comme étymologie de pain à chanter.Familièrement. Je le ferai chanter sur un autre ton, je le ferai agir, parler tout autrement.Familièrement. Il faudra qu'il chante plus haut pour avoir cela, il faudra qu'il en donne un prix plus élevé.Familièrement. Faire chanter quelqu'un, lui faire faire quelque chose par force ou par ruse ; locution tirée de l'usage de chanter à table.• Vous croyez donc aussi disposer de son âme ? Vous l'avez rebutée, et j'appréhende fort.... - Eh bien ! enlevons-la, je vous l'ai dit d'abord, Quand nous la tiendrons seule, il faudra qu'elle chante, MONTFLEURY le Comédien poëte, III, 9.• Le baron : Comment faquin ! et la musique ? Le laquais : Eh ! c'est mon fort ; je sais faire chanter l'Anglais le plus boutonné, le Hollandais le plus avare, quand l'un ou l'autre est amoureux d'une femme que je protége, la Musicomanie, 4.• Ils porteront le fer et le feu au coeur de la France et la feront chanter, Lucien en belle humeur, t. I, dans LE ROUX, Dict. com..En un autre sens, qui est celui de l'argot, faire chanter quelqu'un, l'obliger à donner de l'argent, par la crainte de révélations scandaleuses, vraies ou fausses.2° Être chantable. On dit qu'un morceau ne chante pas, c'est-à-dire qu'il ne peut être chanté, qu'il n'entre pas dans le registre de la voix humaine.Être chantant.Chanter, se dit de l'exécutant, de l'instrument qui fait ressortir la mélodie, spécialement du violon, du violoncelle, du cor, par opposition au simple accompagnement. La basse seule chante dans ce morceau.Imiter la voix humaine dans l'exécution instrumentale.3° Se dit aussi des oiseaux, de la cigale, et poétiquement ou ironiquement, d'autres animaux.• Progné lui repartit [au rossignol] : Eh quoi ! cette musique Pour ne chanter qu'aux animaux, LA FONT. Fabl. III, 15.• [L'âne] gambadant, chantant et broutant, LA FONT. ib. VI, 8.• Dès que l'Aurore, dis-je, en son char remontait, Un misérable coq à point nommé chantait, LA FONT. ib. V, 6.• La cigale ayant chanté Tout l'été, LA FONT. ib. I, 1.Se dit aussi de certains bruits qui ont une sorte d'harmonie. L'eau commence à chanter, elle est près de bouillir.• J'écoutais chanter l'eau dans les bassins de marbre, LAMART. Joc. I, 50.4° Réciter d'une manière qui approche du chant. Chanter en parlant.• Ou elles [les femmes] hésitent ou elles chantent en lisant, FÉN. XVII, 98.5° Avec la préposition de, célébrer.• Aussi bien chanter d'autre chose, Ayant chanté de sa grandeur, MALH. III, 3.PROVERBESUne porte mal graissée chante, c'est-à-dire il faut bien payer pour qu'on ne dise rien.Ce n'est pas à la poule à chanter devant le coq, c'est-à-dire une femme ne doit point prendre un ton de commandement avec son mari.• ... Mon congé cent fois me fût-il hoc, La poule ne doit point chanter devant le coq, MOL. F. sav. V, 3.Tel chante qui ne rit pas, on est souvent triste au fond, au milieu d'apparences contraires.Qui bien chante et qui bien danse Fait un métier qui peu avance, c'est-à-dire se livrer trop aux distractions nuit à la fortune.————————chanter 2.(chan-té) v. a.1° Exécuter un morceau de chant. Chanter une chanson. Chanter un air, une hymne, la grand'messe, le dessus, la basse.• Lorsque les chantres du printemps Réjouissent de leurs accents Mes jardins et mon toit rustique, Lorsque mes sens en sont ravis, On me soutient que leur musique Cède aux bémols des Monsignis Qu'on chante à l'Opéra-Comique, VOLT. Épîtr. CVII.• Je cherche où est le charme attendrissant que mon coeur trouve à cette chanson ; mais il m'est de toute impossibilité de la chanter jusqu'à la fin sans être arrêté par mes larmes, J. J. ROUSS. Confess. I.Fig. et familièrement. Chanter toujours la même chanson, la même antienne, répéter sans cesse la même chose. Chanter à quelqu'un sa gamme, lui adresser de vifs reproches, lui dire ses vérités.Chanter la palinodie, se rétracter, dire tout le contraire de ce qu'on avait dit.Fig. Chanter magnificat à matines, faire une chose à contre-temps.2° Célébrer, surtout en vers. La guerre de Troie qu'Homère a chantée.• Où est cette merveilleuse fontaine qu'Ausone a chantée de toute la force de sa voix ?, BALZ. Entretien 30, dans RICHELET.• Je chante les combats et cet homme pieux Qui, des bords phrygiens conduit dans l'Ausonie, Le premier aborda les champs de Lavinie, BOILEAU Art p. III.• Je chante ce héros qui régna sur la France Et par droit de conquête et par droit de naissance, VOLT. Henr. I.• ... Son vainqueur sur les toits S'alla percher et chanter sa victoire, LA FONT. Fabl. VII, 13.• La prophétesse chanta sa défaite par une ode, BOSSUET Polit..• Chantez, louez le Dieu que vous venez chercher, RAC. Ath. I, 3.• Que son nom soit béni, que son nom soit chanté, RAC. Esth. III, 9.• Pour chanter un Auguste, il faut être un Virgile, BOILEAU Disc. au roi..• En joyeux gourmands que nous sommes, Nous savons chanter un repas, BÉRANG. Age fut..Annoncer, en parlant d'un oracle.• Et chantant seulement des ordres immuables, Annonçant des arrêts qui sont inévitables, Il [l'oracle] néglige nos pleurs et défend aux mortels D'apporter leurs désirs aux pieds de ses autels, BRÉBEUF Phars. V.Fig. et familièrement. Chanter victoire, se glorifier du succès.Chanter les louanges de quelqu'un, en faire de grands éloges.3° Par plaisanterie, dire.• Que chantes-tu là ? Qu'est-ce qu'elle chante cette physique [de quoi traite-t-elle] ?, MOL. le Bourg. g. II, 6.• Au nom de Jupiter, laissez-nous en repos, Et ne nous chantez plus d'impertinents propos, MOL. L'Étour. I, 8.• Nous en tenons, madame, et puis prêtons l'oreille Aux bons chiens de pendards qui nous chantent merveille, MOL. Dép. am. II, 4.• Voyons ce qu'elle chante [écrit], RAC. Plaid. II, 4.• Ce n'est qu'un excès de peur des peines éternelles qui fait qu'un libertin nous prêche et nous chante sans cesse qu'elles sont douteuses, MASS. Car. Doutes..Chanter injures, pouilles, goguettes à quelqu'un, lui dire des injures, lui faire querelle.• Nous nous sommes tous deux chanté pouilles à tort, REGNARD Ménech. V, 6.4° Chansonner, railler.• L'armée se console de la perte d'une bataille lorsqu'elle a chanté le général, MONTESQ. Espr. IX, 7.5° Se chanter, v. réfl. Être chanté. Cette chanson satirique se chante partout.XIe s.• Chanson malvaise de nous ne seit chantée, Ch. de Rol. LXXVII.• Male chanson n'en deit estre cantée, ib. CXI.XIIe s.• Messes canter ferez, Roncisv. 18.• Mais j'ai plus grand talent que je me coise, Pour ce j'ai mis mon chanter en defois, [j'ai cessé de chanter], QUESNES Romancero, p. 83.• [Les faux amants] Ne chantent fors qu'en pascor [au printemps], Lors se plaignent sans dolor, Couci, I.• Nouvele amor où j'ai mis mon penser Me fait chanter de la plus debonaire, ib. II.• Une beauté m'est venue devant Qui me semont et prie que je chant, ib. V.• [Gens] qui m'ont mis sus mensonge à escient, Que j'ai chanté des dames laidement, QUESNES Romanc. p. 89.• L'apostole s'apreste pour la messe chanter, Saxons, XIII.• En grant devotion cele messe ad chantée, Th. le mart. 35.XIIIe s.• Ains que l'en commençast à chanter la grant messe, li dus de Venise monta el letrin, VILLEH. XXXIX.• [Les dames] carolent et festoient et chantent hautement, Berte, IX.• Et dit Renart : chante, cousins, Ren. 1586.• Ce fu en la douce saison Que cler chantent li oisellon Por le tens qui est nez [net] et purs, Ren. 24346.• En l'an de l'incarnation M et CC et IIIJ et XXX. Si com l'escripture le chante, RUTEB. II, 156.• Et leur dis que vileinne chose estoit de chevaliers et de gentilzhomes qui parloient tandis que l'en chantoit la messe, JOINV. 236.• Lors envoia querre le roy le legat et touz les prelas de l'ost, et chanta l'en hautement : te deum laudamus, JOINV. 215.• Deux burettes d'or, à mettre le vin et l'eaue à chanter, à la chapelle du roy nostre sire, DE LABORDE Émaux, p. 179.• Une boeste d'argent à mettre pain à chanter, DE LABORDE ib. p. 168.XVIe s.• La depesche de Thomas de Granson ne chantoit que la mesme chose, Mém. s. du G. 31.• Vertus dieu que ne chantez-vous : adieu paniers, vendanges sont faictes ?, RAB. Garg. I, 27.• Tu es le seul dieu que j'honore, Aussi sans fin te chanterai, MAROT IV, 330.• Le parler et le chanter, si on en use en oraison...., CALV. Instit. 711.Picard cainter, canter ; provenç. cantar, chantar ; espagn. cantar ; ital. cantare ; du latin cantare, fréquentatif de canere.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.